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Mise à jour du 2 août : La traduction en japonais de cet article est disponible ICI.
« Il y a deux ans, alors que j’étais au travail, mon épouse a quitté la maison avec notre fils de 1 an et 9 mois. La dernière fois que j’ai vu mon enfant, c’était en janvier, pendant une heure. » Comme ce Japonais désireux de conserver l’anonymat, quelque 166 000 parents, japonais ou étrangers, sont chaque année privés du droit de voir leur(s) enfant(s) après une séparation. En cause : une justice qui fonctionne encore sur des principes d’organisation familiale hérités de l’ère Meiji (1868-1912), qui ne reconnaît ni le droit de visite ni le partage de l’autorité parentale et ne considère pas l’enlèvement d’enfant par l’un des parents comme un crime.
« Dans la situation juridique actuelle du Japon, le parent le plus prompt à emmener les enfants avec lui en obtient la garde », explique, dans un document sur le droit parental au Japon, Richard Delrieu, professeur à l’université Kyoto-Sangyo, lui-même privé de son enfant et président de l’association SOS Parents Japan. « Le kidnapping est toléré par le tribunal, ajoute-t-il. Après six mois de résidence des enfants à leur nouveau domicile, le parent kidnappeur prend un avantage juridique sur l’autre parent, déterminant pour l’attribution de la garde. »
La pratique est si ancrée qu’elle dépasse parfois le cadre du couple. « Ma femme a succombé à un cancer il y a deux ans, se souvient Paul Wong, un Américain. Depuis, ma fille vit chez mes ex-beaux-parents. Quand j’ai essayé de la récupérer, ils m’ont attaqué en justice. » Le tribunal s’est prononcé en faveur des beaux-parents, et M. Wong s’est vu privé de son droit parental.
Ces privations concernent parfois des mères. Masako Aeko ne sait pas où habitent son ex-mari et son fils de 13 ans, rentrés au Japon après un divorce – assorti d’une garde partagée – réglé devant la justice au Canada, où la famille résidait.
Mais dans 80 % des cas, c’est le père qui perd tout contact avec son ou ses enfants. Une situation vécue par Steven Christie, un Américain séparé – mais non divorcé – de sa femme japonaise et qui n’a pas vu son fils depuis trois ans hors des tribunaux. « J’ai pu passer une heure avec lui dans une salle du tribunal des affaires familiales de Tokyo, sous vidéosurveillance, raconte-t-il. Je n’avais pas le droit de poser de questions. Si je l’avais fait, mon fils avait pour instruction de ne pas répondre et l’entretien aurait été interrompu. »
Ces situations, où sont contredits les devoirs élémentaires du mariage (vie commune et assistance mutuelle) et où l’abandon de domicile avec un enfant n’est pas considéré comme un enlèvement, témoignent du vide juridique existant au Japon. « Le problème est que la loi sur la famille est conçue pour respecter l’autonomie du foyer, explique l’avocat et professeur de droit Takao Tanase. Le droit n’interfère pas dans les affaires du foyer. »
La question de la garde doit faire l’objet de négociations entre les deux époux. Si un accord est impossible, le tribunal devient l’ultime recours. Mais il fonde ses décisions sur le principe – inscrit, lui, dans le droit japonais – d’un seul parent détenteur de l’autorité parentale en cas de divorce.
Ce principe est un héritage de l’ère Meiji. « Après 1868, la nouvelle forme légale de la famille a renforcé son aspect patriarcal », écrivait, en 1984, Kenji Tokitsu dans les Cahiers internationaux de sociologie. Elle a été remplacée en 1945 par une « structure égalitaire » restée « en décalage avec la pratique ». Dans ce contexte, l’accent est toujours mis sur la « continuité et le maintien de la famille ». En cas de divorce, l’un des parents sort de la famille, de la « maison » – « uchi », en japonais – et crée, de fait, un deuxième « uchi », sans rapport avec son ancienne maison.
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