Bonjour.
Voilà un sujet qui en effet me semble plus qu'intéressant car je le vis au quotidien à Tokyo. J'ai rencontré beaucoup de japonais depuis mon arrivée ici, et effectivement, malgré ma connaissance des us et coutumes nippons, et ma grande passion pour le pays du soleil levant depuis ma plus tendre enfance, il est des choses que jamais je n'arriverais à apprécier de par ma nature, et même en considérant la nécessité d'adaptation et la différence de culture, je persisterais à dire que je n'ai PAS à les accepter, je fais avec, voilà tout. Je m'explique : mes amis japonais eux-même (ainsi que ma compagne) ont conscience du problème honne/tatemae (car ne nous leurrons pas, c'est un problème ! même pour eux, d'où l'actuelle fracture entre les générations, les jeunes étant plus ouverts et désireux d'occidentalisation, en particulier au niveau mentalité) et ont bien du mal à s'exprimer franchement, même en famille ou avec des amis, tant les conventions, la mentalité, et surtout, la pression des +de 40 ans (donc l'ancienne génération nippone) sont fortes.
Le problème est que gaijin ou nippon, généralement on n'acceptera pas votre franc-parler puisqu'il va à l'encontre de tous ces principes et habitudes, et que les japonais ont horreur de l'imprévisible, car ils risqueraient de se trouver dans une situation gênante ou échappant à leur contrôle. Ceci peut-être un handicap pour certains d'entre nous, mais aussi un avantage. Pour ceux connaissant un peu l'histoire du Japon, Tokugawa Ieyasu a su tirer parti de cette faiblesse nippone (pas uniquement le franc-parler, mais le côté prévisible, le carcan nippon des conventions et de la conduite à tenir) en agissant de façon "imprévisible", ce qui lui valut sa suprématie militaire et finalement son shogunat. Enfin bref, je m'égare. Je tenais seulement à dire que l'on peut considérer ce problème sous un angle positif, en employant cette connaissance à bon escient, et en s'en servant pour déstabiliser son interlocuteur lors d'une situation "bloquée". Bien sur, comme dans toute société, il va de soi que la politesse se doit de demeurer présente à tout instant. Le fait est que les japonais nous envient parfois cette facilité du parler, le côté simple des relations que nous avons avec nos amis, nos collègues, etc, tout en ayant peur de devoir se retrouver dans une relation/conversation identique, car se sachant incapables de dialoguer de cette façon.
Ne faites pas l'erreur de comparer le mode relationnel poli français au mode relationnel japonais, ils n'ont absolument rien de commun. Il est certain qu'en France, en ayant pour interlocuteur un policier, une administration, un patron, etc, nous allons probablement tenter d'être plus poli, plus réservé, plus attentif qu'habituellement, mais au Japon, cela vaut également pour bon nombre d'autres interlocuteurs même si les degrés de politesse varient en fonction de l'importance de la personne.
Quoiqu'il en soit, j'ai remarqué au gré des conversations et rencontres que j'ai pu avoir des japonais(es) plusieurs choses dont j'aimerais vous faire part.
En majorité, les conversations sont plus intéressantes et plus "naturelles" avec des japonais(es) ayant été/ayant vécu à l'étranger ou ayant un partenaire étranger. (c'est le cas par exemple pour ma compagne, mais aussi pour nombre de mes amis ainsi que 2 ou 3 sensei de mon école de langues, et là je remarque aisément la différence avec les autres sensei !)
Les japonais désireux de changer leur mode relationnel ont néanmoins beaucoup d'appréhension, et pas obligatoirement par rapport à nous (j'entends par là qu'ils seraient susceptibles d'avoir peur d'être ridicules en optant pour le honne) mais plutôt par rapport aux autres japonais, car la pression de la société est très forte au Japon, et les gens même s'ils ne vous le disent pas en face, vous ferons remarquer de bien des façons qu'ils ne vous apprécient pas, à la limite du mopping, le tout agrémenté de sourires et de courbettes, et je vous assure que cela me peine de parler ainsi d'une nation que j'ai surévalué et idéalisé pendant nombre d'années... Je crois que sans vivre au Japon, on ne peut comprendre tout cela.
Pour ma part, j'ai un bon relationnel avec les japonais lorsque j'ai l'occasion de leur parler assez pour qu'ils réalisent que j'aime leur pays et que je connais relativement bien leur culture, en particulier leur histoire et leurs traditions dont ils sont très fiers. Néanmoins, bien souvent à Tokyo, je suis jugé avant même d'avoir ouvert la bouche de par mon apparence, à savoir mon look (tout de noir vêtu, skinny, bagues, chaine) et bien sur mon physique. J'ai également remarqué que mes mauvaises expériences sont généralement avec la tranche d'âge supérieure (50+) même si j'ai eu également d'excellentes expériences avec 2 ou 3 personnes âgées de + de 60 ans.
Concernant mes amis ou personnes me connaissant et que je voies régulièrement, je n'ai pas à "arrondir les angles" pour conserver leur amitié ou leur estime, car ils me considèrent tel que je suis (ce qui je pense est la façon la plus naturelle d'agir, non? ). Pourquoi vouloir "arrondir les angles" et donc opter pour une malfaçon de sa personnalité?
@ nya-nya : je cite :
"quand même, méfie toi, les japonaises, c'est pas comme les européennes". Ma compagne m'a mis dès le début en garde contre les japonais (encore une fois je le répète, ils ont conscience de leur problème relationnel ainsi que de la complexité de leurs conventions et principes qui les empêchent eux-même de vivre comme ils le voudraient !) en me disant que mon opinion les concernant était trop élevé et que j'allais être déçu bien des fois. Et tout comme toi, lorsque j'ai une dispute avec ma copine, je dois creuser et tirer les vers du nez pour savoir où ça a dérapé, et bien souvent d'ailleurs je suis complètement abasourdi des raisons qu'elle me donne.
Pour conclure, je vous dirais de ne pas faire la même erreur que moi, à essayer à tout prix de vous "japaniser" sous prétexte de vouloir vous intégrer, de vous faire accepter et blablablub. C'est une perte de temps et d'énergie, et une source de frustration. Faites en fonction de vos moyens, de vos connaissances et surtout de votre cœur, de vos sentiments. Soyez vous même, vous n'êtes pas japonais, sachez le rappeler à vos interlocuteurs. Depuis que j'ai changé mon fusil d'épaule à ce sujet (et je peux vous assurer que j'en ai souffert, car j'aimais vraiment le Japon et les japonais(es) de tout mon cœur...) je suis plus à même de gérer les situations, et ma qualité de vie s'en trouve améliorée.
Voilà, c'était mon opinion à ce sujet, et j'ignore si beaucoup d'entre vous la partagerons, mais en tout cas c'était "honne" !
